Côte d’Ivoire: 03 aveux d’échec derrière la candidature d’Alassane Ouattara

L’annonce officielle d’une nouvelle candidature d’Alassane Ouattara à la présidentielle d’octobre 2025 suscite autant de réactions que d’interrogations. À travers cette décision, l’actuel chef de l’État ivoirien révèle, au-delà des intentions affichées, ce que certains observateurs considèrent comme le reflet de trois échecs collectifs majeurs, celui de son propre camp, celui de l’opposition, et celui d’une jeunesse ivoirienne encore trop peu engagée politiquement.
Ce mardi 29 juillet 2025, le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle du 25 octobre 2025 en justifiant sa décision par la gravité des menaces sécuritaires, économiques et monétaires qui pèsent sur le pays. Il a notamment insisté sur la montée du terrorisme dans la sous-région, qu’il considère comme un enjeu majeur qui nécessiterait expérience et stabilité. Selon lui, la Constitution lui permet de briguer un nouveau mandat, et sa santé est compatible avec cette responsabilité. Il promet un mandat axé sur la transmission générationnelle et la consolidation des acquis.
Cette candidature marque une répétition du scénario de 2020, lorsqu’il avait d’abord annoncé son retrait avant de se représenter à la suite du décès de son dauphin Amadou Gon Coulibaly. À l’époque déjà, il affirmait vouloir transmettre le pouvoir à une nouvelle génération. Son revirement actuel suscite des interrogations sur la sincérité de cet engagement. Toutefois, Ouattara insiste sur le fait que son choix est guidé par le devoir de protéger la Côte d’Ivoire et de garantir la paix, la stabilité et le développement.
Le RHDP et l’incapacité à organiser la relève
Après 15 ans à la tête du pays, Alassane Ouattara ne semble pas avoir préparé sa succession. Loin de désigner un héritier politique capable de prendre le relais et de défendre le bilan du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le président revient une fois encore dans l’arène en invoquant la nécessité de préserver la stabilité et de garantir une distribution plus équitable des richesses. Or, après trois mandats, ces objectifs relèvent davantage d’un bilan que de promesses.
Le discours de candidature révèle également une certaine solitude au sommet de l’État et un déficit de confiance envers l’entourage politique. Cette candidature apparaît dès lors comme le symptôme d’un système verrouillé, où la concentration du pouvoir empêche l’émergence de nouveaux leaders crédibles au sein du parti au pouvoir.
Une opposition fragmentée et affaiblie
L’autre échec est celui des partis d’opposition. Depuis l’accession d’Ouattara au pouvoir, l’opposition ivoirienne peine à incarner une véritable alternative. Divisée par des querelles internes, des ambitions concurrentes, des exclusions électorales et des stratégies hasardeuses, elle n’a pas su construire un front uni capable de résister aux pressions et de s’imposer sur la scène nationale.
Certes, le régime en place a pu imposer des contraintes administratives ou judiciaires pour affaiblir certains adversaires. Mais au-delà des blocages institutionnels, c’est surtout l’incapacité des opposants à construire un projet politique cohérent et fédérateur qui a contribué à leur marginalisation. Dans ces conditions, le retour du président sortant apparaît aussi comme une conséquence directe de l’inaction et du manque de vision de ses adversaires.
Une jeunesse désengagée et instrumentalisée
Enfin, cette candidature est perçue comme un échec générationnel. La jeunesse ivoirienne, pourtant majoritaire dans la population, reste largement en retrait du débat politique. Loin de s’organiser pour proposer des solutions et peser dans les décisions, elle demeure souvent spectatrice, voire mobilisée uniquement comme force d’appoint lors des meetings et campagnes électorales.
Le constat est si amer que malgré une forte présence sur les réseaux sociaux et un intérêt manifeste pour les enjeux nationaux, la jeunesse peine à structurer un mouvement politique indépendant, à faire émerger des figures crédibles ou à imposer une voix collective. Le désengagement politique ou l’adhésion passive à des logiques communautaires limitent son influence réelle sur le cours des événements.
A la lecture donc des faits, la candidature d’Alassane Ouattara pour un quatrième mandat ne peut être analysée uniquement à l’aune de sa légalité ou de sa légitimité personnelle. Elle dit beaucoup plus sur l’état du système politique ivoirien dans son ensemble. Elle renvoie à une transition démocratique qui peine à s’imposer comme une norme, à un manque de renouvellement dans la classe dirigeante, et à une jeunesse qui tarde à saisir les rênes de son propre avenir.
L’exemple sénégalais, avec le renoncement de Macky Sall à un troisième mandat, montre qu’un autre chemin est possible. Mais encore faut-il que l’ensemble des forces sociales et politiques soient prêtes à l’emprunter.